Vous qui sur mon front, toute en larmes, 
Pressez vos yeux pour ne plus voir 
Les feuilles du berceau de charmes 
Sur le sable humide pleuvoir,
Dans le brouillard funèbre où glissent 
Ces ombres des jours révolus, 
Pauvre enfant dont les cils frémissent, 
Vous qui pleurez, ne pleurez plus.
Car bientôt, dans les avenues, 
Décembre transparent et bleu 
Etendra sur les branches nues 
Ses belles nuits d’astres en feu,
Et, perçant les voûtes profondes 
Qui les séparaient de l’azur, 
Nos coeurs approcheront les mondes 
Etincelants de l’amour pur.
Ô tendre femme que l’automne 
Glace et brise comme les fleurs, 
Vers ces bois demain sans couronne 
Levez des yeux libres de pleurs
Chaque feuille morte qui tombe 
Nous découvre un peu plus de ciel ; 
Quand l’amour descend vers sa tombe, 
On voit mieux le jour éternel.
Charles GUÉRIN (1873-1907)